jeudi 12 septembre 2024

A propos de la décision du tribunal administratif concertant le SNE et la SGDL opposé à l'Université de Nantes,

A propos de la décision du tribunal administratif concertant le SNE et la SGDL opposé à l'Université de Nantes, une importante mise au point concernant la publication des résultats de recherche à lire ci-dessous 


Sur la Liste Acces Ouvert <accesouvert@groupes.renater.fr>
Jean-Claude Guédon <jean.claude.guedon@umontreal.ca> a écrit : 



    J'apprends  par mon ami Marcello Vitali-Rosati l' annonce suivante:

    https://www.sgdl.org/sgdl-accueil/l-actualite-sgdl/actualites-2024/4553-communique-publication-en-acces-ouvert.

    Ce que je trouve très drôle, c'est de voir les soins attentifs déployés par la société des gens de lettres (je refuse de mettre des majuscules...) et le syndicat national de l'édition (ditto pour les majuscules) à l'égard du droit d'auteur  des chercheurs, et leur profond respect pour la liberté académique.

    Il serait peut-être bon de rappeler à ces braves gens que:

           Les chercheurs, quand ils testent leurs idées, théories, observations, etc. dans une publication n'agissent pas en gens de lettres; ils agissent en chercheurs, distinction essentielle. Ils ne construisent pas des fictions pour gagner de l'argent; ils font effort de connaissance, de savoir (ce qui, entre nous vaut pas mal mieux que la fiction). Ils peuvent chercher le prestige, la renommée, la visibilité etc., mais tout cela relève du capital symbolique et non du capital tout court. Évidemment, l'invention du facteur d'impact et autres outils adaptés aux clubs de citations *Web of Science, SCOPUS, etc.) vise à confondre les deux formes de capital, d'où l'intervention des gens de lettres qui devraient en rester avec leurs lettres, et le syndicat national de l'édition dont les chercheurs ne devraient avoir cure. Incidemment, les chercheurs devraient totalement se passer des services des maisons d'édition commerciales (ou assimilées) et le processus de mise en public des résultats de recherche - la publication - devrait être radicalement distinguée de toute procédure d'évaluation.
        La liberté académique ne consiste pas à choisir le site de publication des résultats de recherche; la liberté académiste consiste en la possibilité d'explorer n'importe quelle idée sans avoir à examiner si elle correspond aux opinions de telle ou telle institution - gouvernement, religion, idéologie dominante, etc. Si l'évaluation du travail de recherche est radicalement distingué du lieu ou site de publication, l'évaluation du travail peut s'effectuer sur la base du travail de recherche, et non sur la marque Gallimard, Denoêl, Minuit, etc. Si j'achète un sac parce qu'il porte les signes commerciaux de Vuitton, plutôt que d'examiner la qualité du sac en question et la comparer au prix, je suis un imbécile. Les universités, organismes de financement, etc. qui examinent les travaux des chercheurs en se fiant aux marques de publication plutôt qu'à la qualité réelle de ces travaux, sont des imbéciles. Perelman a prouvé la conjecture de Poincaré et cela me paraît remarquable. Il a publié sa démonstration dans ArXiv, et c'était démontrer de nouveau son intelligence. Des collègues moins intelligents ont voulu lui refuser la médaille Fields. Et Perelman a refusé la médaille Fields, autre signe d'intelligence.
        En conclusion, publier des résultats de recherche relève d'un domaine qui n'a rien à voir avec les gens de lettres et les syndicats de l'édition. Il serait bon de se rappeler de cette distinction fondamentale. Les sociétés de gens de lettres et les syndicats de l'édition sont des organismes qui s'occupent de commerce, et donc de propriété, de droit d'auteur, etc. Si d'aventure leurs activités intersecte des domaines où des savoirs sont produits, ne faites pas l'erreur d'imaginer que cette volonté de savoir passa avant la volonté de profits. Par conséquent, il est urgent de rapatrier la publication des résultats de recherche sous la tente des producteurs de résultats de recherche. Le programme "diamant" correspond à cet enjeu.

    Jean-Claude Guédon