samedi 14 novembre 2009

A propos du classement de Shanghai 2009

 
 

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via Les blogs Educpros.fr de admin le 12/11/09

L'événement d'un non-événement

Le Professeur Nian Cai Liu, professeur de chimie a l'Université des Communications de Shanghai (Université Jia Tong), initiateur en 2003 de l'Academic Ranking of World Universities -communément appelé en France le classement de Shanghai- est, si la légende mondialement répandue qui le concerne est véridique, un chercheur chinois très sympathique : il aurait dès 1999, dans son modeste labo, partagé avec quelques collègues et avec le soutien des dirigeants de l'Université Jia Tong, la préoccupation légitime et louable de savoir à quel niveau de qualité se situait sa propre université par rapport aux autres universités chinoises, puis -et c'est cette deuxième étape qui nous intéresse- par rapport aux grandes universités étrangères. Pour ce faire, le Professeur Nian Cai Liu et ses collègues ont déterminé un certain nombre de critères, parmi lesquels le nombre d'anciens étudiants et d'enseignants nobélisés ou médaillés Fields, le nombre d'articles publiés dans les revues anglophones "Nature" et "Science", le nombre de recherches citées, etc.

On mesure évidemment combien ces préoccupations et ces critères, qui sont exclusivement ceux des "sciences dures", sont éloignés de ce qu'est la vraie recherche dans les disciplines littéraires; et la perspective s'inscrivant en outre dans une mondialisation anglo-saxonne, on mesure aussi combien naturellement pâtiraient de ce classement les universités françaises, allemandes, etc., toutes disciplines confondues, mais singulièrement les disciplines littéraires évidemment.

Ce qui en définitive aurait dû n'être qu'un non-événement agite follement depuis 2003 la planète universitaire, voire la planète politique. Comment expliquer cela? Par la conjonction de deux caractéristiques de notre époque : le règne du quantitatif, du chiffrable et du classable, et la communication universelle bêlante. Chaque année la presse nous abreuve de tels classements, fondés sur des critères discutables ou invérifiables, dans des domaines sensibles tels que la santé, l'enseignement, etc. Je me souviens d'un classement des universités françaises publié voici un certain temps chaque année par un hebdomadaire, dans lequel à chaque fois l'Université des lettres de Strasbourg était placée à un rang médiocre; quand on y regardait de près, on comprenait que ce qui faisait justement la qualité de cette université -à savoir rigueur, exigence et sélectivité- la conduisait précisément en queue de peloton !

Le mal est fait. L'opération de communication lancée par l'Université des Communications Jia Tong de Shanghai a parfaitement réussi. On comprend dès lors que le gouvernement chinois, dont l'objectif avoué est de conduire d'ici 2020 un certain nombre d'universités chinoises à un très bon classement mondial, suive de très près l'opération du Professeur Nian Cai Liu.

Le classement de Shanghai s'est maintenant imposé avec la complicité de la presse mondiale et de la communauté internationale des "complexés" naïfs. On verra donc bientôt apparaître des universités chinoises dans ce classement, et je mets ma main à couper que l'Université Jia Tong sera un jour du nombre !

Nous sommes à cent lieues ici de la reconnaissance des efforts accomplis par de grands savants pour le déchiffrement et la publication de papyrus, pour l'interprétation des mœurs et des rites des Ashuars ou, restons en Chine, pour l'étude et la connaissance de l'œuvre de Confucius.

Comptage, chiffrage, science (au sens de "science dure"), et langue  anglo-américaine. Le talisman pour exister. Je soupçonne le bon Professeur Nian Cai Liu de savoir tout cela parfaitement.


 
 

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