mercredi 23 décembre 2009

L’Université (unique) d’Aix-Marseille est-elle bien partie ?

 
 

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via Marseille, science, innovation et société de Jacques Boulesteix le 22/12/09

universiteaix250708.1261476291.jpg C'est donc maintenant acquis. Les conseils d'administration de chacune des 3 universités se partageant le paysage universitaire d'Aix et de Marseille, ont voté vendredi dernier la fusion pour le 1er janvier 2012. Ils ont également approuvé un texte intitulé "Principes fondateurs d'une université unique", rédigé par les Présidents des Universités dans le but de réaliser la fusion. Ce "socle de principes généraux", assez détaillé puisqu'il pèse 52 pages, a été contesté jusqu'au bout par une minorité significative et n'a pas fait l'objet d'amendements.

Le vote est assez différent selon les universités. De justesse à l'Université de Provence UI (16 contre 13),  massif à l'Université de la Méditerranée UII (25 contre 5) et écrasant à l'Université Paul Cézanne UIII (24 contre 1 avec 3 abstentions). Ceux qui se sont opposés affirment qu'il ne sont pas contre la fusion, mais contre la base sur laquelle elle s'opère et qu'ils ne peuvent accepter le libellé de certains principes fondateurs.

Sur quoi porte donc la polémique ?

D'abord, l'une des ambitions de l'université unique est, selon le texte fondateur (page 5) de "passer d'un modèle organisationnel traditionnel à un modèle entrepreneurial". Voilà qui fâche. L'université doit elle être une entreprise? doit-elle avoir le modèle de gestion d'une entreprise ? Pour le moins, dans le contexte controversé du libéralisme actuel, le texte est maladroit, voire provocateur.

En second lieu, juste après avoir indiqué logiquement le besoin "d'améliorer la visibilité et la lisibilité de la recherche du site en affichant ses domaines d'excellence", l'affirmation selon laquelle "le nombre de pôles d'excellence doit être restreint" (page 14). L'un induit-il l'autre ? Afficher ses forces, sans doute, mais limiter les pôles d'excellence, n'est-ce pas un pas vers l'élitisme, une université thématiquement à deux vitesses, indépendamment de la qualité des ses enseignants ou de ses chercheurs ? Quel avenir pour les "petites" disciplines ?

Autre sujet de discorde, la création de nouveaux enseignements. Le texte fondateur avance d'une manière un peu provocatrice la nécessité "d'une étude de marché
précise"
pour les diplômes en création (page 20). En soi, pourquoi pas, si la fonction d'enseignements généraux et transversaux reste centrale et s'il ne s'agit que de valider certains contenus plus professionnels? Mais les opposants font remarquer que la tendance est autre et que l'on est en train d'instaurer une prédominance "utilitariste" de l'enseignement universitaire. Ceci aurait mérité débat.

Enfin, page 45, "Face à ces sollicitations, les universités sont amenées à se positionner du côté de l'offre, mettre en valeur leurs spécificités, montrer en quoi elles sont meilleures que d'autres, en bref agir dans un contexte concurrentiel et se comporter en tant qu'acteur économique à part entière". C'est ce qui prouve, aux yeux des opposants, qu'il ne s'agit pas d'une simple fusion, mais d'un changement majeur de l'esprit universitaire.

Un débat interne avorté et des votes peu lisibles

Le débat interne a été réduit. Le texte des principes fondateurs n'a été connu que 2 semaines avant le vote. Je n'ai pas eu connaissance d'assemblées officiellement organisées pour recueillir l'avis des enseignants et étudiants concernés. Le jeu des conseils statutaires a été privilégié et la question mise en avant par les Présidents d'université a été avant tout celle de la fusion. Pourtant, si le principe de la fusion est aujourd'hui très largement admis dans les trois universités, les missions et les modalités de gestion de la future université le sont moins. Les opposants ont rassemblé leurs griefs dans un texte qualifié de "éthique". Cela n'a pas suffit à engager une concertation pourtant indispensable au succès même de la nouvelle université.

Visiblement, le choix a été de faire passer, le plus rapidement possible, dans un paquet unique, la fusion et ses modalités. Il est dit, dans l'entourage des Présidents, qu'il y aurait urgence, afin que la fusion soit effective au 1er janvier 2012. Mais, ce qu'il apparaît aussi, du côté des opposants, c'est que les modalités, contestables, de la fusion ont été imposées et que rien n'obligeait à proposer des principes qui aillent aussi loin dans l'approbation de la politique gouvernementale vers une université jugée utilitariste, autoritaire, élitiste, tournant lentement le dos au concept-même de service public.

On peut également constater que le vote des conseils n'a été possible que par la division des opposants à la politique de Valérie Pécresse. Pour les uns, il convenait d'assurer l'avenir universitaire en fusionnant, qu'elles que soient les modalités de cette fusion. Pour les autres, un mauvais texte ne pouvait amener à une bonne fusion. C'est ainsi que l'on a vu des partis de gauche ou des syndicats mettant en avant avec vigueur des principes de service public assez contradictoires avec le texte même de la fusion, et, dans le même temps, leurs représentants apporter eux-mêmes dans les conseils les voix décisives nécessaires à l'approbation. Ainsi, Pécresse ou non, les voix des élus de gauche et de droite se sont mêlées dans l'approbation et quelque part, on a aussi retrouvé les divisions nées du blocage des universités il y a quelques mois.

Une évolution à l'européenne ?

Le danger, dans cette situation, c'est qu'une fois la fusion entérinée, on fasse peu de cas des arguments avancés par les opposants. C'est la méthode du "rouleau compresseur" sur laquelle fonctionne l'Europe depuis 30 ans. Peu importent les réticences, la machine doit toujours aller plus loin, plus fort, suivant une idéologie qui est loin d'être partagée par tous. Pas plus que pour l'Europe, ce modèle n'est adapté à l'université.

On aurait pu rêver d'une université d'Aix-Marseille unique exemplaire dans le débat interne, cherchant le consensus le plus large, s'appuyant sur une appropriation très large de ses enseignants et de ses étudiants. Mais les remarques des opposants ont été balayés d'un revers de main et le dialogue avec les syndicats les plus représentatifs, qui souhaitaient un autre texte, n'a pas eu lieu. La fusion a été empaquetée avec un texte critiquable et peu consensuel. Souhaitons que cette université unique soit néanmoins mieux partie qu'elle en a l'air…


 
 

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